Attente... [POKEMON]

Miaouss était allongé lascivement dans le vestibule menant au salon. Il attendait devant la porte, cette porte en bois et en acier noir qui ne voulait pas s'ouvrir. Depuis trois heures, il attendait. Normalement, son dresseur... Non, son bourreau aurait dû revenir il y a trois quarts d'heure. Ou était-ce la colère qui faisait s'écouler le temps aussi lentement? Miaouss ne le savait pas. Il savait juste qu'il en avait assez de ces maltraitances...

Son bourreau regardait régulièrement, à la télévision, un dessin animé du nom de "SuperPikachu", mettant en scène un Pikachu qui était doté de super pouvoirs. Par exemple, il était aussi musclé qu'un Mackogneur. Son pouvoir de foudre pouvait détruire un désert. Il se sortait des situations les plus abominables (comme l'épisode intitulé "Au cœur des abîmes spatiales", où il est prisonnier d'un trou noir) aussi facilement qu'on ouvre la bouche. Absurde... Pourtant, son bourreau croyait à ces niaiseries. Il avait donc décidé de faire de faire du pauvre Miaouss un SuperMiaouss.

Voilà comment le pauvre chat de compagnie de la maison avait été transformé en une sorte de fantôme vivant. L'entraînement avait été élaboré en fonction des épisodes de la série. Ainsi, quand SuperPikachu montait sur une tour et s'en élançait afin de voler plus vite, Miaouss était condamné à grimper sur le toit de l'immeuble dans lequel il vivait, et en sautait pour voler. Grimper sur l'immeuble et sauter étaient des jeux d'enfant, mais voler était une autre paire de manches. A son retour, il était battu, roué de coups, et privé de croquettes pendant au moins deux jours. Le pauvre Pokémon ressemblait à un squelette vivant. Sa maigre peau faisait voir ses côtes. Et les parents du bourreau dans tout cela? C'étaient de pauvres fumeurs, alcooliques, drogués et adeptes de la télévision. Miaouss ne pouvait compter sur aucune aide. Ses amers souvenirs remontèrent dans sa gorge et le chat se retint de laisser de la bile couler sur le parquet.

Il y avait aussi l'enfer du BAIN. Ah! Les bains! Parfois, il y avait des épisodes de SuperPikachu consacrés uniquement aux bains. Quand le héros électrique avait envie de faire trempette, il laissait déborder sa baignoire jusqu'à avoir son château plein d'eau. Il déversait ensuite quantité de savon dans l'océan ainsi obtenu. Puis il utilisait Fatal-Foudre, de façon à concevoir un bain électrique! Quand Miaouss avait vu un bain de SuperPikachu pour la première fois, il fut tétanisé et ne songea même pas à déguerpir. Le bourreau n'eut aucun mal à l'attraper et à le plonger dans la baignoire. Là, il l'avait remplie d'eau, vidé les trois quarts de savon dedans et installé Miaouss. Puis il l'avait frappé pour qu'il utilise Fatal-Foudre à son tour! Le chat de la maison s'était fait électrocuté à moitié et en plus il fut privé de ses croquettes pendant cinq jours.

Quittant ces immondes souvenirs, il se leva très lentement. Le chat était si faible que chaque pas était pour lui un véritable supplice. Il arriva dans la cuisine et oublia toute retenue. Bondissant sur le placard où étaient cachées ses croquettes, il s'attaqua au verrou qui n'était pas fermé avec ses crocs. Le cadenas rouillé ne laissa pas longtemps de résistance. Miaouss éventra un pack de croquettes avec ses griffes et en saisit de pleines pelletées. C'était... des croquettes de Magicarpe. Un délice.

Rassasié, il retourna dans le vestibule en faisant onduler sa longue queue. Il lui sembla déceler un pas lourd dans les escaliers. Il se hérissa, se dressa sur ses longues pattes et frémit... Les pas se rapprochaient... Miaouss se tenait en haleine... Un bruissement de métal se fit entendre... Le chat savait que c'était les clés du bourreau... Elles pénétrèrent dans la serrure... Miaouss savait parfaitement qu'en échouant, il retrouverait sa captivité... Elles tournèrent une fois...
Miaouss se tenait prêt à bondir...
Deux fois...
Les muscles du chat se contractèrent...
La serrure céda le passage. La porte s'ouvrit...
Miaouss bondit...
Le bourreau laissa partir un coup de pied...
Le chat l'esquiva habilement...
Et sortit à toute allure de l'immeuble immense. L'air frais de dix-sept heures lui fouetta les poils. En une minute de liberté, il découvrait les plaisirs de la ville. En trottinant, il observa chaque arbre, joua à grimper dessus le plus vite possible, en descendit épuisé, fouilla les poubelles, découvrit avec bonheur un reste d'épaule de Tauros...

Miaouss était libre.